En France, près de 50% des mariages se soldent par un divorce. Parmi les différentes procédures existantes, le divorce pour faute est sans doute le plus complexe et le plus conflictuel, ne représentant qu'environ 10% des divorces prononcés chaque année. Quels sont les critères pour obtenir un tel divorce ? Comment se déroule la procédure ? Maître Manon Dantin, avocate en droit de la famille à Marseille, nous éclaire sur ce sujet délicat.
Le divorce pour faute est l'une des quatre formes de divorce reconnues par la loi française, avec le divorce par consentement mutuel, le divorce accepté et le divorce pour altération définitive du lien conjugal. Il se fonde sur la reconnaissance de fautes graves et renouvelées commises par l'un des époux, rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Si cette procédure existait déjà dans le Code civil de 1804, elle a connu plusieurs évolutions au fil du temps. La réforme du divorce de 1975 a notamment assoupli les conditions d'obtention du divorce pour faute, tandis que la loi de 2004 a cherché à apaiser les conflits en favorisant les divorces par consentement mutuel.
Pour obtenir un divorce pour faute, il faut démontrer que l'un des époux a commis des violations graves ou renouvelées des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune. Il n'est pas nécessaire que ces fautes aient été commises intentionnellement. Les fautes les plus fréquemment invoquées sont :
Cependant, la jurisprudence a aussi reconnu d'autres types de fautes, comme l'alcoolisme, la toxicomanie ou encore le refus de consommer le mariage. C'est au juge aux affaires familiales, seul compétent pour prononcer un divorce pour faute, d'apprécier au cas par cas la gravité des faits allégués.
Ainsi, votre avocat sera en mesure de vous confirmer si la faute que vous alléguez est considérée comme telle par la jurisprudence.
Pour que le divorce pour faute soit prononcé, il faut apporter la preuve des griefs invoqués. Puisque la faute constitue un simple fait juridique, elle peut être prouvée par "tous moyens", conformément au droit commun de la preuve : témoignages avec attestations manuscrites datées et signées comportant la mention « je certifie sur l'honneur », constats d'huissier, messages, photos...), à condition qu'ils aient été obtenus de manière licite, sans violence et sans fraude.
En effet, le principe de la liberté de la preuve en matière de divorce n'est pas absolu et quelques limites sont imposées aux fins de respecter des principes fondamentaux : respect de la vie privée, du secret professionnel, du secret de la correspondance...
Par exemple, un constat d'huissier d'adultère dressé à la demande d'un époux sera écarté s'il y a eu violation du domicile ou atteinte illicite à l'intimité de la vie privée.
Autre exemple, afin de protéger les intérêts moraux de la famille, il est interdit de produire des attestations de ses enfants ou de ses petits-enfants.
L'avocat joue un rôle essentiel dans la constitution du dossier, en conseillant son client sur les preuves à fournir et en veillant au respect des règles de procédure. Il faut être vigilant, car certaines preuves, comme des enregistrements réalisés à l'insu de l'autre époux, peuvent être déclarées irrecevables.
À noter : pensez à rassembler le maximum de preuves tangibles (messages, photos, relevés bancaires...), les simples témoignages étant souvent considérés comme insuffisants. Votre avocat vous aidera à constituer un dossier solide.
Le divorce pour faute commence par une assignation déposée par l'époux demandeur auprès du tribunal judiciaire. Cette requête détaille les faits reprochés à l'autre époux. Elle comporte également la date à laquelle les époux sont convoqués pour une audience d'orientation et sur mesures provisoires (AOMP). Lors de cette audience, le juge pourra ordonner des mesures concernant la résidence, les enfants ou les aspects financiers, qui seront en vigueur pendant la procédure de divorce.
S'ouvre ensuite la phase de mise en état, durant laquelle les parties échangent leurs arguments et preuves.
Une fois le dossier complet, le juge peut enfin rendre son jugement et prononcer le divorce, s'il estime les fautes suffisamment établies. Les époux ont alors la possibilité de faire appel devant la Cour d'appel.
Exemple : Sylvie a demandé le divorce aux torts de son mari Christophe après avoir découvert sa double vie et son infidélité. Lors de l'AOMP, le juge a ordonné que Christophe quitte provisoirement le domicile conjugal et fixé un calendrier de procédure. Six mois après, sur la base des preuves apportées par Sylvie (attestations de témoins, mails, relevés bancaires...), le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de Christophe qui s'est vu imposer le versement de dommages et intérêts.
Le divorce pour faute peut avoir des conséquences importantes pour l'époux fautif.
En effet, il peut être condamné à verser des dommages et intérêts à l'époux lésé. Le juge peut également refuser d'accorder une prestation compensatoire à l'époux fautif, quand bien même les conditions d'octroi seraient réunies.
De plus, selon la gravité de la faute, cela peut aussi influencer la décision du juge sur la garde des enfants.
En revanche, si les fautes ne sont pas prouvées, le juge peut rejeter la demande de divorce ou requalifier la procédure en divorce pour altération définitive du lien conjugal, avec des conséquences plus neutres pour les deux époux. Même en cas de torts exclusifs, le juge veille néanmoins à ce que les conséquences ne soient pas disproportionnées.
Conseil : si vous craignez que votre conjoint ne dissimule ou ne dilapide des biens, demandez au juge des mesures d'urgence comme un inventaire, un gel des comptes, etc. Ces "mesures conservatoires" permettront de préserver vos intérêts.
Opter pour un divorce pour faute peut présenter certains intérêts. Il permet à l'époux victime de faits graves de faire reconnaître son statut d'époux "innocent" et d'obtenir réparation. Il peut aussi être perçu comme une forme de "justice", notamment en cas de violences ou d'infidélité.
Cependant, cette procédure présente aussi de nombreux risques et contraintes. Elle est souvent longue, coûteuse et éprouvante émotionnellement. Les conflits peuvent s'envenimer et avoir des répercussions négatives sur les enfants. De plus, la preuve des fautes n'est pas toujours aisée à apporter.
C'est pourquoi je conseille fortement de privilégier la voie de l'amiable lorsque cela est possible, afin de limiter au maximum l'effet potentiellement destructeur d'un divorce contentieux, pour les époux mais également pour leurs proches. En effet, une procédure amiable invite à focaliser son énergie sur l'organisation de l'avenir, plutôt que sur les causes de la séparation et la recherche de responsabilités.
En conclusion, le divorce pour faute reste une procédure complexe et risquée, à réserver aux situations les plus graves. Si vous envisagez un tel divorce, il est essentiel de vous faire assister par un avocat en droit de la famille, qui saura vous conseiller et vous défendre au mieux de vos intérêts, même si le juge s'assurera au final que les conséquences ne soient pas disproportionnées même en cas de torts exclusifs.
Le cabinet de Maître Manon Dantin, situé à Marseille, met à votre service son expertise en droit de la famille. Quelle que soit votre situation, notre équipe vous accompagnera avec écoute et réactivité, pour vous aider à traverser cette épreuve dans les meilleures conditions. N'hésitez pas à nous contacter pour un premier rendez-vous.